Juliette Delacroix : “Ce qui me plait le plus : la variété et l’inconnu”
Rencontre avec une des comédiennes de la pièce Une histoire d’amour. Elle nous parle de son parcours, de ses projets, mais aussi de son désarroi face à la situation actuelle.
Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai commencé le théâtre à l’âge de 5 ans et c’est devenu ma passion. Puis, j’ai effectué 14 ans d’école de théâtre : Cours Florent, Cours Simon, Jean Laurent Cochet ; avec des compagnies comme le TBB, les sales gosses ; dans le cadre d’ateliers, les ateliers de l’Ouest, avec Steeve Kalfa ; ou encore des works avec Xavier Durringer ou Niels Arestrup.
À 17 ans, j’ai décroché mon premier rôle dans une série sur TF1. Je n’ai donc pas cessé de jouer, malgré des périodes plus ou moins remplies. C’est aussi la difficulté de ce métier. Rien n’est acquis, rien ne se prévoit. Tout peut arriver, ou ne pas arriver ! Alors, j’ai fait plein de choses différentes. Après un stage chez Alain Ducasse, j’ai monté une boîte de chef à domicile, présenté des émissions de culture, de cuisine ou de sport pour la télévision. Car l’ennui et l’inactivité sont mes pires ennemis. La meilleure école pour un acteur : se nourrir sans cesse des autres.
Quelles sont les rencontres qui vous ont marquée ?
Celles qui m’ont fait prendre une direction. Je dirais d’abord : Niels Arestrup. Je buvais ses paroles. Brut de décoffrage, sans détour. Il a une vision si réaliste de ce métier. Ce qui est drôle, c’est que je me suis retrouvée, quelques années plus tard, à aller cuisiner chez lui comme chef. J’ai aussi eu la chance de cuisiner pour Bertrand Blier, Thierry Lhermitte. J’entendais depuis la cuisine leurs grandes discussions sur Gégé (Gérard Depardieu), fantasmant un jour de pouvoir jouer avec eux ou pour eux. Puis Alexis Michalik qui m’a offert le plus beau rôle qui soit dans sa pièce Une histoire d’amour. Humainement et professionnellement j’ai énormément de respect pour lui.
Quelles facettes de votre métier vous plaisent le plus ?
J’aime l’idée d’interpréter des rôles si différents. Le fait qu’aucune journée ne se ressemble ; le trac, cette émotion étrange, car je ne sais pas ce que je vais trouver en rentrant sur scène et le public n’est jamais pareil. Ce qui me plaît le plus : la variété et l’inconnu, mais c’est le plus beau métier du monde.
Entre le théâtre et le cinéma, lequel préférez-vous ?
Les deux sont différents mais font appel aux mêmes cordes. Le théâtre établit un contact direct avec le public. On n’a pas le droit à l’erreur. Les tournages nécessitent une autre approche du personnage et créent un rythme différent. On peut refaire la prise 2 ,5, 12 fois, tandis qu’au théâtre, on cherche pendant les répétitions, les périodes de création, mais une fois sur scène, pas de retour possible. J’aime beaucoup les deux. Toutefois, l’esprit de groupe, de troupe, me comble le plus.
Comment vivez-vous la crise actuelle ?
Mal. Sans travailler je ne me sens pas vraiment vivante. On souffre tous. La pièce Une histoire d’amour, qu’on jouait au Théâtre de la Scala s’est arrêtée brutalement le 13 mars 2020. Je suis quand même chanceuse, car on reprendra la programmation aussitôt que possible, grâce au succès de la pièce. Mais cette année devait être bien plus remplie. C’est triste de se dire que tout ça n’a pas eu lieu.
Ce qui me rend dingue, aussi, c’est de voir à quel point la culture est sous-estimée. Imaginez un monde sans culture ! Pas de musique, de cinéma, de théâtre, de concert, de livre, d’exposition, de spectacle… L’art a sauvé les deux confinements. Comment peut-on dire qu’on n’est pas essentiel après ce constat ? On est en train de tuer des gens qui ne ressortiront pas indemne de cette crise. Les créateurs qui dédient leurs vies à l’art ont besoin de pouvoir s’exprimer en créant. Je pense à tous ceux qui sont indépendants et s’auto-produisent, à ces réalisateurs, programmateurs, directeurs de salles, techniciens…
Vous êtes à l’affiche d’Une histoire d’amour dans le rôle de Katia. Que pensez-vous de ce personnage ?
J’ai, comme qui dirait, rencontré un rôle. Avant, je riais un peu de ces formules, mais c’est si vrai finalement. C’est beau de ressentir des moments d’union avec un texte et les émotions d’un personnage.
On se ressemble beaucoup, avec Katia. Elle traîne quelques casseroles de vie et a pris quelques portes dans la figure. Elle a peur de l’amour mais s’y jette à corps perdu. Elle se fait trahir, est confrontée à la maladie… Ces sujets me parlent, raisonnent très fort car, juste avant de décrocher ce rôle, j’ai perdu mon papa. Je me sens très connectée à lui tous les soirs sur scène. Il faut avoir vu la pièce pour comprendre pourquoi.
Que préférez-vous, dans le travail aux côtés d’Alexis Michalik ?
Travailler avec lui est toujours passionnant. Dans la vie c’est mon ami, mais sur un plateau c’est mon boss, comme j’aime l’appeler avec dérision. C’est le maître d’orchestre ; il sait où il va, est sécurisant, instaure un climat de confiance et de solidité. Il est exigeant, parfois impatient, veut du rythme partout et tout le temps, bref il faut que ça marche. J’ai grandi à son contact.
J’ai adoré la période de création, se retrouver chaque jour et chercher ensemble. C’est aussi un acteur très inspirant qui donne beaucoup sur le plateau, capable de remarquer chaque détail de mise en scène, malgré sa casquette de comédien. Il est très généreux, dans la vie et le travail. Je lui dois beaucoup.
Quels sont vos projets pour cette nouvelle année ?
Reprendre la pièce ! J’attends impatiemment ce moment. Avec toute l’équipe. Ensuite, en mai et juin, j’ai le tournage d’un film qui me tient particulièrement à cœur.
Propos recueillis par Romane Goussu
À découvrir également sur Artistik Rezo : Une Histoire d’amour selon Alexis Michalik par Hélène Kuttner
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